TD GEOPOLITIQUE UNIVERSITE JEAN JAURES TOULOUSE –COMMENTAIRE
DE DOCUMENT -ENTRAINEMENT – AVRIL 2019
Sujet : Dans le cadre d’un devoir structuré et tout
en évitant la paraphrase, vous discuterez à partir d’un argumentaire critique
et d’exemples représentatifs, des idées de ces textes sur l’Etat face à
la mondialisation.
Texte 1 : La mondialisation
ne condamne pas l'État-nation
La mondialisation ne condamne donc pas l'État-nation, à brève
échéance en tout cas. Elle en redéfinit les contours. Dans un monde qui reste
encore fondé sur un droit westphalien, l'État-nation n'a pas de substitut à
certaines fonctions. Il reste compétent et peu contesté pour préserver la
stabilité et la sécurité intérieure au sens le plus large. Aujourd'hui, comme
hier, l'État reste un fournisseur d'homogénéité et, en premier lieu,
d'homogénéité sociale. Mais, cette fois, l'hétérogénéité n'est pas seulement
héritée de l'histoire, mais créée par un environnement économique qui
l'exacerbe et, en premier lieu, par la mondialisation. L'État-nation survivra à
la mondialisation tant que la mondialisation affirmera son besoin d'État pour
en compenser certains effets.
Jean-Marc SIROEN, professeur d’économie à Paris-Dauphine
Texte 2 : Sciences
Humaines : Les Etats sont-ils, comme on le dit souvent, impuissants face à
la mondialisation ?
Samy Cohen : Il n'y a pas une seule, mais plusieurs
formes étatiques dans le monde contemporain. Selon la typologie établie par le
politologue anglais Robert Cooper, il en existe trois. Tout d'abord les Etats «
pré-modernes », qui n'ont pas accédé à une vie d'Etat-nation avec des
frontières, un gouvernement détenant le monopole de la violence légitime, et
qui ne sont pas capables de déployer une véritable politique étrangère. On y
range la Somalie, l'Afghanistan, etc. En second lieu, les Etats « modernes »
(la Chine, le Pakistan, le Brésil, etc.). Ce sont des Etats très attachés à
leurs intérêts nationaux, et où l'idée de souveraineté et de frontières joue un
rôle très important dans leur politique étrangère. Enfin les Etats «
postmodernes » : en gros les démocraties de type occidental qui ont rejeté l'usage
de la force pour régler leurs différends et dont la sécurité repose en grande
partie sur la transparence de leur politique étrangère et l'interdépendance de
leur économie. Propos recueillis par Jean-Claude Ruano-Borbalan. Directeur
de recherche au Centre d'études et de recherches internationales (Céri), il a
récemment publié La Résistance des
États. Les démocraties face aux défis de la mondialisation, Seuil,
2003
Texte
3 : « Ce pauvre Oncle Picsou ».
En octobre 2001, les ouvrières de Shah
Makhdum (Bangladesh) réclament la fin des mauvais traitements, revendiquent un
jour de repos hebdomadaire (elles travaillent de 8 à 22 heures, 7 jours sur 7), un salaire de 0.34
euro de l’heure (elles touchent 6 euros par semaine, ce qui leur permettrait de
gagner en 210 ans ce que Michael Eisner, le PDG de Disney, gagne en une
heure !). Sous la pression d’associations locales et d’une ONG américaine,
les propriétaires de l’usine, sous-traitants d’un contractant (entreprise sous
contrat) de Disney, consentirent à quelques améliorations : un jour de
congé par semaine, respect des jours fériés, réparation des toilettes,
réfection des locaux (pour manger)… C’en est trop pour Disney qui rompt ses
commandes en février 2002, menaçant de chômage 350 ouvrières. Interpellé sur
cette affaire, le PDG de Disney se félicitait que Shah Makdhum ait adopté un
code de conduite conforme aux standarts de Disney, mais déplorait que sa firme
(25,3 milliards de dollars de chiffre d’affaires, soit plus de la moitié du PIB
du Bangladesh) n’ait pas le pouvoir de dicter à ses contractants le choix de
tel ou tel sous-traitant. Pauvre Oncle Picsou, dont les neveux sont
incorrigibles. Source : Revue Alternative
internationales, n°10, sept-octobre 2003.
CONSIGNES
-PISTES POUR TRAVAILLER :
1-Repèrer les
auteurs et spécificités de ces 3 textes (dates)
2-Lire les
documents en surlignant et en repérant les idées principales ainsi que des
arguments pertinents (sur le sujet)
3-Rédiger une
introduction avec les éléments suivants :
- les caractéristiques et l’évolution de l’Etat = cerner le
sujet
-présenter rapidement les 3 documents
-trouver une problématique
4. Chercher
des thèmes, des appuis cognitifs (vocabulaire, auteurs…) et des arguments
(issus des textes) : aide avec tableau ci-dessous
5. Rédiger
une conclusion en répondant à la problématique trouvée en introduction (+
ouverture éventuelle)
CORRIGE DU COMMENTAIRE DE TEXTE SUR «L’ETAT FACE A LA
MONDIALISATION»
L’Etat est, avec les firmes et les hommes, l’acteur clé de
la mondialisation. Mise en place progressivement en Europe dans forme moderne,
en particulier lors du traite de Westphalie (1648), il est, selon le sociologue
allemand Maw Weber l’institution qui a le «monopole de la violence». Plus
précisément, il se compose d’un gouvernement qui exerce une autorité sur une
population, délimitée par des frontières. Or, les frontières des Etats, dont le
cadre reste nationale, semble concurrencé par les nouveaux acteurs de la
mondialisation dont certains sont transnationaux comme les firmes globales. Par
ailleurs, ces dernières accumulent des réserves financières colossales alors
que Marc Zuckerberg est reçu comme un chef d’Etat.
Ces trois textes évoquent ainsi le question de l’Etat au
niveau socio-économique (texte 1 de l’économiste français Jean-François
SIROEN), au niveau mondial par une typologie (d’un géopoliticien du CERI,
organisme géopolitique français) et enfin par l’exemple précis de Disney au Bangladesh (tiré d’une revue
géopolitique qui a disparu, «Question
internationales» dont le rédacteur était chef est Yann Mens. Il faut noter que
ces textes ont un contexte commun, le début des années 2000) , soit l’époque de
la «mondialisation heureuse», marquée par une forte croissance économique,
avant la crise de 2008. A ce moment-là, depuis les années Thtacher-Reagan,
l’Etat est l’objet d’attaques par les milieux néo-libéraux, qualifiant l’Etat
«de problème et non de solution» (Reagan). Mais ici, il s’agit moins de
néolibéralisme que de firmes transnationales qui remettent en question l’Etat.
L’Etat est-il dépassé par les acteurs transnationaux ? Si
le déclin de l’Etat est visible (I), il est inégal au niveau mondial (II) et
conserve de nombreux atouts (III).
DEVELOPPEMENT
L’Etat est affaibli par des firmes transnationales
puissantes. Le cas de Disney au Bangladesh est riche en ensignements. Il montre
d’une part, la faiblesse d’un Etat du Sud qui accepte que des firmes nationales
sous-traitantes de Disney travaillent dans son pays dans des conditions dignes
de l’époque de «Germinal». Ce sont finalement des ONG américaines qui sont plus
efficaces que l’Etat du Bangladesh pour obliger Disney à avoir une ligne de
conduite plus honorable avec ses sous-traitants. Il s’agit bien là d’un exemple
d’Etat failli ou «prè-moderne» de la typologie du Britannnique Robert Cooper.
Nous avons ainsi que la mondialisation met en concurrence hommes et territoires
et donc les Etats.
Certains s’en sortent mieux...
En effet, entre un Etat puissant tel que les Etats-Unis et
de petits Etats ou des pays en guerre civile comme la Somalie, cette situation
d’affaiblissement est largement à nuancer. Robert Cooper différencie trois
types de cas. En premier lieu, «l’Etat
post-moderne» stable, démocratique de
type occidental. Même si quatre décennies de néolibéralisme ont pu aboutir à un
certain désengagement de l’Etat de la sphère économique par des réformes, son
rôle y reste présent et plutôt «redéféni» (texte 1 de SIROEN). En second lieu,
l›»Etat moderne» typique des pays émergents comme la Chine où l’Etats conserve
un poids fort. C’est d’ailleurs un différent majeur entre les autorités
américaines et chinoises visibles dans l’affaire récente Huawei.
Mais cette affaire est liée à une véritable guerre
économique qui montre que l’Etat reste un élément important.
«La mondialisation ne condamne pas l’Etat-nation» nous dit
SIROEN, il «reste un fournissseur d’homogénéité». En effet, face à une
mondialisation qui favorise l’explosion des inégalités, les peuples semblent de
plus en plus réclamés un retour de l’Etat. C’est largement ce qu’exprime les
mouvements populistes. Le mouvement de
protestation sociale des «gilets jaunes», inédit par la forme et la durée, est
né d’une révolte fiscale contre la suppression de l’impôts sur les fortune.
Plus que jamais, l’Etat-providence est un garant de l’équilibre social face à
une mondialisation qui perturbe les peuples.
Ainsi, malgré le poids croissant d’acteurs transnationaux
devenus surpuissants comme les GAFAM, l’Etat reste aujourd’hui un acteur majeur
qui n’est pas dépassé par la mondialisation et ce, pour deux deux raisons.
D’une part, c’est un acteur clé qui favorise la mondialisation par des
politiques économiques dites
extraverties et, d’autre part, il protège les peuples et minimise en partie les
effets néfastes de la mondialisation. Mais ceci est surtout vrai pour des Etats
souvent anciens et structurés soit développés, soit souverainistes comme la
Chine.
Il ne faut pas oublier que l’Etat est souvent lui-même
propritaire de firmes qui s’internationalisent comme Gazprom, outil du pouvoir
russe.